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dimanche 19 juillet 2015

Bimbo - Le jdr que c'est toi la vedette

Après avoir profité d'un solde monstre chez Ludikbazar Meisonnier incluant même les produits neufs, je me suis procuré Bimbo, le jdr de Grégory Privat publié chez Sans-Détour dans une belle boite (sur le même modèle que les Lames du Cardinal).
Après l'avoir laissé trainé quelques mois dans ma rôlothèque, j'ai enfin pu le tester avec mon équipe. J'étais intéressé à tester les mécaniques du jeu, et à faire jouer ce jeu que l'auteur veut résolument "iconoclaste" et "féministe".
Soyons honnêtes, j'avais mes doutes.

Bimbo pour quoi faire

Ce jeu est un jdr à "narration disputée", selon son auteur. Vous y incarnez des actrices (ou pas) dans le tournage d'un film d'exploitation - ou grindhouse - ainsi que son personnage (la première est le "système de jeu", le second les actions décrites en jeu). Le personnage fait exploser des gens et des véhicules, tandis que l'actrice achète des décors, des figurants et tente de faire rejouer les scènes où elle n'est pas à son avantage.
Car c'est l'essence de la narration "disputée" : il y a une gagnante à la fin de la partie. Il faut donc terminer le film que le metteur en scène - le MJ - propose, tout en étant la seule à être en tête d'affiche et à recevoir un bonus. Les joueuses vont donc sans cesse devoir se crêper le chignon et se mettre en avant, tout en s'assurant que le film est bouclé...
On comprend donc en quoi le jeu est "iconoclaste".

Le matériel

Le matos est beau. La boite de base et son seul supplément (l'écran du MJs et quelques accessoires) sont visuellement très attractifs. Malheureusement, il est de fort mauvaise qualité, les livrets sont de qualité magazine, noir et blanc, et pas prévu pour une utilisation sur le long terme. C'est dommage, pour un loisir dont la rejouabilité est supposée infinie...
Les cartes, les 3d6 et les jetons sont standards pour ce qui se fait habituellement dans les jeux.
Reste que, perso, je suis le plus souvent MJ et ne joue que rarement chez moi : une boite c'est volumineux et ça s’abime facilement : je n'aime pas du tout ce format.

Le texte maintenant.
  • Le livret "Actor's Studio", 64pp. Il contient la création de perso, les règles et, globalement, tout ce qu'il faut savoir pour jouer. La mise en page est sympa, le style humoristique et rafraîchissant, les règles globalement compréhensibles.
  • Le livret "Mise en Scène", 64pp, qui contient des conseils de maitrise... Volontairement iconoclastes. Là, l'auteur commence à me perdre : il n'y a pas de règles dans ce livret, seulement des conseils pour maitriser une partie qui se veut radicalement différentes des autres jdr, mais qui sont exactement les mêmes qu'on pourrait donner à n'importe quel MJ de n'importe quel jeu, le tout avec un ton qui oscille entre le délire perso et le jeu d'initiation... Ça n'est pas mauvais, mais on aurait pu se passer d'une bonne partie de ce qui est dit.
  • Le livret "Scripts", 32pp. Pour un jeu qui vise à faire des films, j'aurais préféré que celui-là soit plus long, et le précédent plus court. Les scénarios proposés sont faibles. Très faibles à mon gout. D'autant plus que le fantastique (et le western) - sous toutes ses formes - n'y occupe qu'une place très, très minimaliste, alors que, malgré tout, les films d'exploitation qui sont restés dans la légende parlent souvent de zombie, de massacres, de monstres en papier mâché et d'échanges de coups de feu devant des saloons... Là, c'est plutôt l'aspect film policier / film de gangster qui est retenu. Pourquoi pas, mais c'est dommage. Je n'aime pas finir ma lecture d'un ouvrage de jdr uniquement sur une succession de scénarios que je n'ai pas envie de faire jouer...
Le système de jeu en lui-même ne pose que peu de problèmes... Mais laisse toujours une sensation propres aux systèmes indés : le créateur s'en serait probablement bien passé, mais il a voulu en mettre un quand même, du coup on a un demi-système, qui finalement, n'apporte rien d'autre au jeu que de faire semblant de lancer des dés.

La partie

Bon, avouons-le, je juge rarement un jeu sur son matériel. Je ne suis pas collectionneur, j'ai tendance à classer dans la catégorie "sans intérêt" tout jdr qui mentionne l'existence de futurs suppléments dans son livre de base et comme je n'utilise presque pas d'écran, le matériel n'est pas une considération qui me préoccupe beaucoup.
Par contre, une première partie, ça en dit long sur la qualité d'un jeu. Comme je n'ai pas eu l'occasion de tester celui-là dans une convention ou de rencontrer son auteur, je me suis lancé avec mes propres joueurs.
Pour dresser un profil succinct, ils ont une petite expérience du jdr, ne connaissent pas beaucoup de systèmes ni d'univers et sont, dans leur grande majorité des joueurs "réactifs" (par opposition à "proactifs"). Si je ne leur propose pas de pistes à explorer ou des événements marquants, certains risquent de se regarder dans le blanc des yeux sans savoir quoi faire, et d'une façon générale, ne voient pas très bien pourquoi ils auraient leur mot à dire sur le déroulement des opérations (oui, moi aussi je trouve ça très dommage. J'y travaille).
C'est là qu'apparaît le premier problème. En offrant une part de la narration aux joueuses, la partie a un peu de peine à démarrer. Elles ne savent pas bien quoi faire, n'utilisent pas beaucoup des ressources mises à leur disposition et surtout ne cherchent pas (tout de suite) à s'opposer les unes aux autres.
Du coup, la partie devient de plus en plus difficile pour les joueuses - elles finiront par boucler le film sur un échec, écrasées lamentablement par les méchants, malgré un système de jeu garanti par son auteur comme penchant totalement du côté des joueuses. Avec les siennes, peut-être. Avec les miennes, le système de jeu les a écrasées en quelques tours de table. Et j'ai regretté sa règle disant qu'il était interdit au metteur en scène de tricher...

Conclusion

Bimbo ne m'a pas tellement plu.
Je comprends ce qu'il peut y avoir d'intéressant, surtout pour moi qui suis un joueur extrêmement proactif, mais cela reste un jeu indé qui ne s'adresse pas du tout à un public de rôlistes casual, c'est un jeu pour vieux dinosaures qui recherchent de nouvelles choses, ou pour des joueurs qui ont une certaine expérience du théâtre d'improvisation (ce qui est mon cas, par exemple, mais pas du tout celui de mes joueurs). Et surtout c'est un jeu qui vous gardera une, deux, trois parties. Après, vous n'y retoucherez plus - avec son second degré assez monomaniaque (les bimbos) et son absence de véritable enjeu imaginaire (changer durablement le monde, etc.), c'est un jeu qui lasse, vite et beaucoup.
L'auteur semble voir dans son oeuvre une bonne opportunité d'initier au jdr... Mais je me demande si ce n'est pas finalement là un de ses fameux traits d'humour. Parce qu'utiliser Bimbo pour initier au jdr me paraît non seulement un mauvais choix, mais aussi une erreur.
L'aspect "féministe" du jeu ne fonctionne qu'avec un esprit second degré très marqué. Heureusement, le second degré, ça me convient en général.
Le jeu part du principe qu'on joue des actrices connasses et prêtes à coucher pour réussir leur carrière, qui incarnent des femmes fortes et badass dans des films pourris. Ça fonctionne bien un moment, mais, tant à la lecture que dans le jeu lui-même, on se demande si ça n'est pas plutôt une excuse bidon pour vendre un jeu à des rôlistes quadras frustrés qui veulent s'imaginer des connasses imbéciles en train de sucer des producteurs lubriques.
Franchement, ce jeu me fatigue, et je me demande si j'ai vraiment fait un bon achat.
Bref, j'ai gardé mes doutes.

Finalement, c'est en jdr comme au cinéma : je me méfie de l'exploitation - c'est bien une fois de temps en temps, mais rien ne vaut un bon blockbuster. 

lundi 29 juin 2015

Sorceleur - La Saison des Orages

Certains ont connu le sorceleur Geralt de Riv parce que c'est le héros de leur jeu vidéo favori, d'autres parce que c'est le héros d'un cycle de fantasy polonais pas tout à fait commun, né sous la plume d'Andrzej Sapkowski. Vous aurez sûrement compris que je suis dans ce second cas puisque, à l'heure actuelle, je n'ai encore touché aucun des trois jeux concernant ce chasseur de monstres aussi séduisant que bien intentionné et peu sociable.

Les éditions Milady (filiale poche de Bragelonne) ont publié il y a peu le huitième roman de la série, un spin-off se déroulant avant les événements du cycle de base, mais faisant intervenir quelques personnages bien connus des fans, notamment le truculent barde Jaskier et la brûlante sorcière Yennefer.
Soyons tout de suite honnêtes : cet opus raconte une histoire secondaire et n'est pas du tout indispensable à la compréhension du reste de la série... Même si l'épilogue réserve une (toute) petite surprise à ceux qui se demandent ce qui se passe après les aventures qu'ils connaissent bien.

Je suis moi-même cette série depuis que je l'ai découverte en 2012, parce que j'ai trouvé son style sympa, et les jeux de l'auteur avec les différents tropes de la fantasy et des contes traditionnels sont rafraichissants et bien différents de ce que nous auraient donnés des auteurs français ou anglo-saxons - sans doute parce que le filtre culturel de ces derniers nous est nettement plus familier.
Ce huitième bouquin n'échappe pas à la règle, nous présentant une aventure du sorceleur un peu hors-normes, pleine de rebondissements et en profitant comme toujours de nous raconter plusieurs histoires qui ne sont que vaguement connectées par un seul élément : Geralt s'est fait volé ses épées soi-disant légendaires et sa quête pour les retrouver le mènera à se faire trimbaler un peu partout, sur sa fidèle jument Ablette, en se téléportant, par bateau, dans des forêts profondes et des industries charbonnières, dans des villes, un marais hanté et des citadelles de magiciens.
L'occasion pour l'auteur de nous exposer tout un bestiaire fantastique comme il en a le secret : créatures artificielles, magiciens psychopathes, renardes et j'en passe...

Je ne pourrais pas trop vous détailler l'action sans vous dévoiler plus que je ne devrais, mais j'ai trouvé  - cette fois encore - que le style et le rythme étaient remarquables, les enjeux sympathiques et le final d'une violence extraordinaire et plutôt inattendue (j'aime ça).
La traduction de Caroline Raszka-Dewez est toujours aussi remarquablement rédigée, donnant ses couleurs si particulières à ce monde imaginaire.
Malheureusement, ne maitrisant pas du tout le polonais, je ne peux pas juger de sa fidélité, je ne peux que l'espérer.

Bref, si vous avez lu le reste du cycle et que vous avez aimé, vous apprécierez sans problème. Si vous ne connaissez pas encore Geralt de Riv, je ne saurais que vous conseiller d'entamer la lecture de ses aventures, et cet ouvrage peut très bien être un très bon plan pour commencer, puisque justement, il introduit le personnage sans empiéter sur ses "quêtes principales".

Sorti mai 2015, chez Milady et ton libraire préféré,

jeudi 25 juin 2015

7Wonders - C'est l'heure du d..d...d..duel

À l'occasion du festival Paris est ludique ! 2015, magnifique petit festival parisien où l'on joue avant tout (par opposition à "où l'on regarde et achète avant tout"), j'ai pu défier ma moitié en avant première à 7Wonders Duel (et me faire rétamer la tronche, évidemment).
Ce spin-off du jeu de draft d'Antoine Bauza, plusieurs fois primé, verra la lumière des étals de marchands à l'occasion d'Essen, mais cette partie test m'a permis de découvrir les ficelles d'un petit jeu sympa qui devrait réjouir les fans du jeu de base qui en ont marre de ne jamais pouvoir y jouer quand ils ne sont que deux (sans utiliser une variante bizarre), et les autres aussi, puisque cette petite boite est parfaitement indépendante, et ne demande pas même de connaitre les règles originelles pour jouer.

Un petit aperçu des règles

Comme dans 7Wonders, le jeu se déroule en trois âges. Chaque joueur choisit plusieurs merveilles, qui ne possèdent ici qu'un unique pouvoir très particulier, conduisant à l'une ou l'autre des conditions de victoire.
Les cartes de l'âge en cours sont ensuite disposées sur la table, certaines face visibles, d'autre non, de façon à former une figure où seules les cartes "libres" (donc non chevauchées par d'autres) sont disponibles.
Chaque joueur joue ensuite son tour - c'est-à-dire prend une carte libre et choisit ensuite de la jouer, de l'utiliser pour une merveille ou de la vendre. Rien de bien nouveau ici. Ce qui change, par contre, c'est que les ressources s'achètent désormais à la banque - le joueur d'en face peut seulement vous obliger à payer plus pour vos ressources (beaucoup plus).
Les cartes sont chères, et les ressources rares - l'argent prend une place beaucoup plus importante dans cette version du jeu, où vous oscillerez toujours entre la parfaite indigence et la richesse absolue - mais ça ne durera pas. Et heureusement, la mécanique des chainage est là pour éventuellement vous aider... Quoi que. Un bon point, du coup : l'argent et son usage ont vraiment un sens dans ce Duel.

Une version d'essai. La version actuelle est terminée, nous avons donc eu entre les mains la version finale, nettement plus attrayante à l’œil et conforme au design de l'original... Mais pas encore disponible publiquement...

Pour gagner...

À la différence du jeu de base - et à ma grande surprise - il y a cette fois plusieurs conditions de victoire.
Une petite plaquette est fournie avec le jeu, sur laquelle on va placer un "marqueur" militaire, qui servira à écraser l'adversaire de ses armées. Dans cette version Duel, les "boucliers" ne servent plus à gagner des points en fin de manche, mais sont tout de suite pris en compte pour commencer votre invasion. Atteignez l'adversaire, et vous pourrez danser dans les ruines de sa civilisation. (Croyez-moi, c'est dur, je n'y suis pas arrivé).
Sur la plaquette viennent également se placer des "technologies", que vous pourrez acheter en développant vos sciences (il y a 7 symboles scientifiques, si vous obtenez deux fois le même, vous débloquez une de ses technologies, au choix). Croyez-moi, vous ne voulez pas que votre adversaire les achètent : elles sont très puissantes (votre adversaire peut par exemple prendre le monopole commercial en vous obligeant à lui verser TOUT ce que vous devriez normalement payer à la banque,,, Ouch !). Ces technologies sont un véritable avantage pour gagner la partie... Mais ne suffisent pas.
La deuxième façon de gagner est de prendre l'avantage scientifique : il y a 7 symboles (contre les 3 du jeu de base), cumulez-en 6 différents et la victoire est à vous ! (Croyez-moi, la première fois ça vous tombera dessus sans que vous compreniez ce qui vous arrive).
La dernière condition de victoire intervient en fin de partie, si les armées sont embourbées et que la science stagne : seule comptera alors votre trace dans l'Histoire, représentée par les points de victoire, qui fonctionnent comme dans l'original : les cartes bleues, certaines merveilles et un peu de vos finances.

Mon avis

Malgré que nous n'ayons eu droit qu'à une seule partie, les gens se pressant un peu pour le tester, l'impression que j'en ai eu est excellente - et ceux qui connaissent mon naturel plutôt critique se diront tout de suite que c'est plutôt bon signe.

Ce que j'ai aimé :

  • Ça bouge. Les tours sont rapides, les conditions de victoire peuvent rapidement terminer la partie et obligent à être toujours aux aguets. C'est tendu, cruel, vicieux, stratégique, tactique, et ça, c'est bien. Et une partie dure environ 20mn, ce qui est pas mal pour un jeu de cet acabit.
  • C'est équilibré. Hormis qu'on sent qu'une bonne stratégie vous donnera un certain avantage, tout fonctionne. Vous avez toujours la possibilité d'accumuler des avantages et celui de bloquer l'adversaire. Entre joueurs investis, les parties promettent d'être intéressantes.
  • Ça se renouvelle. La disposition aléatoire des cartes, le choix des technologies et des guildes permettent une rejouabilité certaines - je ne peux pas m'avancer plus que cela après une seule partie, mais il est certain que la configuration peut changer drastiquement d'une partie à l'autre.
  • Plusieurs conditions de victoire, plus d'argent, plus de guerre. L'échelle militaire - qui s'approche ou s'éloigne de vous - rajoute une tension très intéressante au jeu. Aucun coup n'est gratuit, aucun cadeau n'est permis. Et la nouvelle conception de l'argent et des ressources oblfe à avoir une vraie politique économique. Et ça, c'est bien.

Mes doutes

  • Les règles... ne sont pas vraiment compliquées (si on connaît le jeu de base), mais comme nous n'avons eu droit qu'à des explications orales, il manquait toutes sortes de détails et nous nous sommes retrouvés devant des situations spécifiques sans trop savoir quoi faire. Rien de bien méchant, mais il s'agit d'un de ces jeux où il faut lire les règles pour les comprendre bien. (Sans compter la multitude de nouveaux petits symboles inconnus dans la version ancestrale)
  • La petite boite et les petites cartes sont une bonne idée, mais la configuration exigeant tout de même une table, j'aurais préféré des cartes de taille standard (bridge), puisque de toutes façons, on peut difficilement jouer sur une banquette de train.
  • C'est un Duel. Bon je sais, c'est l'idée. Et je n'ai rien à redire. Jouer à deux, c'est bien. Jouer "seulement" à deux ça peut - selon sa pratique du jeu, limiter passablement les possibilités d'abimer sa boîte.

Verdict

Pas de doute - je l'attends avec impatience et irai voir mon dealer dès que j'apprendrai sa mise en rayon.
Reste qu'il va encore falloir le prendre en main un peu plus en détail, l'explorer et l'apprivoiser pour pouvoir s'en faire une idée qui repose davantage sur l'expérience, pour tester sa rejouabilité, en particulier, et l'étendue des stratégies possibles.
Mais si vous aimez 7Wonders, que vous rêvez d'y jouer à deux avec des règles faites exprès (loin de la variante "3ème cité sans joueur" du jeu de base), et qui plus est avec de véritables conditions de victoire... Je ne vois pas pourquoi vous hésiteriez.
En plus, c'est un "petit jeu", d'après la demoiselle de chez Repos Productions qui nous y a initié, il ne devrait donc pas dépasser la fourchette des 15-20€